« J’TE DIS PAS LA HONTE… »
Du sentiment de honte à la dignité du citoyen…
La précarité, la pauvreté, les difficultés budgétaires, le surendettement, qu’elles qu’en soient les causes, mettent à mal les personnes dans leur vie familiale, relationnelle, sociale mais aussi dans la sphère intime du rapport à soi-même… C’est alors l’image de soi qui se trouve atteinte, l’estime de soi qui se trouve dégradée… Indicible honte de celle ou de celui qui éprouve ce sentiment de mésestime de soi, jusqu’à avoir honte de soi-même devant les autres et à ses propres yeux…
Alors: « J’te dis pas la honte »… Non je ne saurais la dire, elle est trop douloureuse, ses composantes sont multiples, complexes… J’ai honte, tellement honte qu’il m’arrive d’avoir honte de ma honte…
Comment accompagner l’autre pour qu’il puisse quitter cette représentation négative de soi-même ? Comment être sûr que nos actions professionnelles ne viennent jamais renforcer la honte ressentie par la personne aidée ? Comment être sûr que la protection dans laquelle nous tenons les familles auprès de qui nous intervenons ne s’opère jamais au mépris de leur dignité ? Que faire de nos propres ressentis au sujet de l’autre ou de la situation qu’il vit et qui, parfois, nous poussent, nous-mêmes, au bord du dégoût physique ou psychologique et affectif ?
Comment rester capable, en toutes circonstances, de reconnaître à l’autre la dignité qu’il lui arrive de ne plus se reconnaître à lui-même? Dignité qui, pourtant, le fait homme ou femme, irrémédiablement. Comment deviendrait-il citoyen sans restaurer une image de soi suffisamment bonne, pour se reconnaître digne et ainsi pleinement capable de faire société, lui, les siens, ses enfants…
« J’te dis pas la honte… »
Étrange et dérangeante manière de formuler, pour nous, travailleurs sociaux de toutes sortes, le défi que nous avons à relever pour et avec les familles que nous accompagnons…
Michel Billé