Chaussettes et rejet
L’argent permet de comparer de manière chiffrée toutes sortes de choses : une pomme, une heure de travail, un ordinateur, une fellation, la vue sur un beau paysage, le savoir d’un homme, la perte d’un membre, une paire de chaussettes, la marque ajoutée sur la paire de chaussettes…
Arrêtons-nous sur ce dernier exemple :
la valeur de cette marque ne correspond pas à la qualité ni à la beauté de la chaussette. Elle ne correspond pas à des heures de travail. Cette valeur qu’ajoute le logo tient seulement à la croyance de celui qui l’achète que c’est mieux.
L’acheteur a raison. Il paie certes un peu plus cher, mais cette croyance est partagée. La marque sur les chaussettes avantageusement placées autour des jambes du survêtement, attesteront qu’il a acheté des chaussettes qui sont mieux. Mieux que quoi ? dur à dire mais, voilà l’acheteur assuré d’un peu plus d’estime et d’acceptation au sein du groupe social qui partage sa croyance.
C’est la seule plus-value réelle d’une marque. L’assurance d’une appartenance à un groupe social. Pour qui connaît le « social », les chaussettes par dessus le survêt’ sont un exemple typique de mode ridicule, absurde… aussi absurde que de choisir un vin pour son appellation, un soda de marque pour ne pas paraître mesquin à l’anniversaire d’un enfant, un disque parce que France Inter nous l’a soufflé, ou encore, de porter un de ces uniformes coupés de manière à renforcer la virilité d’une silhouette et simuler la crédibilité… je ne parle pas de militaires, simplement de ces vestes de costard.
Ces choix budgétaires ne sont ridicules que pour ceux qui appartiennent à d’autres groupes sociaux. Ils n’ont rien à voir avec la jouissance de l’achat compulsif, ou celui d’un objet longtemps désiré. Ils ne sont absolument pas ridicules, ils sont essentiels.
Ils marquent notre appartenance à un groupe social.
Ils nous préservent du rejet.
Qui est capable de faire cette économie ?